BIÈRE & POISSON DE LA MER DU NORD

« Le poisson est un sujet inépuisable de méditation et d’étonnement. Les poissons, ces étranges animaux aux formes variées avec leurs diverses manières d’exister, sont influencés par le milieu dans lequel ils sont destinés à vivre, respirer et se mouvoir. » ~ Brillat-Savarin, Physiologie du goût, 1825

Les poissons, crustacés et coquillages sont issus d’un monde totalement différent du nôtre, le fascinant monde sous-marin. Notre planète est composée à deux tiers d’eau et seulement à un tiers de terre. Saviez-vous que la terre en tant que telle n’est qu’une mince pellicule, alors que la profondeur des mers et océans peut atteindre 10 km de profondeur et même plus. Le gigantesque « magma originel » fut jadis le berceau de la première manifestation de la vie sur terre et par conséquent de l’humanité. Depuis des siècles l‘océan est une source de nourriture pour l’homme. Jadis, les plages étaient parsemées de coquilles vides d’huîtres et de moules et beaucoup de peuplades ont parcouru les mers du globe à la recherche de bonnes zones de pêche.

Notre Mer du Nord est également un véritable trésor qui depuis des siècles nous fournit en poisson frais. En Mer du Nord on ne trouve pas moins de 220 variétés de poissons, crustacés et coquillages différents. Nos pêcheurs se concentrent sur environ 25 variétés commercialement intéressantes comme le turbot, le cabillaud, la sole, la plie, la raie, la lotte et les crevettes grises. La surpêche met une énorme pression sur ces variétés. Ceci a comme conséquence que d’autres poissons moins connus s’invitent à notre table comme le tacaud, la seiche, le crabe nageur, le chinchard et la roussette, par ailleurs « poisson de l’année 2015 ». Les NorthSeaChefs, sous la houlette du chef Filip Claeys du restaurant Jonkman, font la promotion de ces poissons moins connus, néanmoins intéressants pour leurs qualités culinaires.

PENDANT LE CARÊME

Vous connaissez certainement le dicton : « le poisson doit nager ». Précisons, le poisson doit nager trois fois: d’abord dans l’eau, puis dans le beurre et enfin dans la bière.

Le poisson et la bière forment le binôme parfait depuis des siècles. Nos ancêtres déjà buvaient de la bière avec leur poisson. La raison est évidente et religieuse. À l’époque, l’église imposait un certain nombre de jours d’abstinence où il était donc aussi bien interdit d’avoir des relations sexuelles que de manger de la viande. Pendant les 40 jours de carême, de nombreuses fêtes religieuses et les vendredis, on ne pouvait consommer que de la « nourriture froide ». Donc pas de viande au menu, mais uniquement du poisson. « C’est vendredi, c’est jour de poisson » est donc un « vestige » de ces règles ancestrales très sévères. Il était de bon ton, à cette époque, de faire passer le poisson en buvant une bonne bière. Il faut savoir que le vin était alors inabordable pour le commun des mortels et l’eau bien souvent polluée. Une gorgée d’eau contaminée scellait votre sort, s’ensuivait une lente et trop longue agonie. Boire de la bière était donc la solution idéale.

À la fin du 19e siècle, la viande devint de plus en plus populaire, alors que la consommation de poisson diminua fortement. Ce phénomène était du à la pollution des cours d’eau mais surtout à la perte d’influence de l’église. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la pêche miraculeuse de harengs a sauvé une grande partie de la population belge de la famine. L’accord hareng et bière de guerre peu alcoolisée n’était pas une grande réussite. Après la Deuxième Guerre mondiale, aussi bien la bière que le poisson ont perdu de leur superbe. La prospérité aidant, « monsieur tout le monde » pouvait se permettre de consommer de la viande et du vin. Dans les restaurants, le vin est devenu une valeur sûre.

Malgré la désaffection des accords poisson-bière, il nous reste quelques incontournables. À la mer, il faut boire une ‘Rodenbach’ avec des crevettes grises, une blanche avec des moules, une triple avec une sole meunière, une pils avec des maatjes, une stout avec des huîtres ou encore une ‘Cask Ale’ avec le traditionnel Fish & chips. Ceci sont de magnifiques exemples d’accords issus de notre cuisine populaire. Aujourd’hui la bière a retrouvé ses lettres de noblesse et est invitée aux plus belles tables. Les plats gastronomiques à base de très beaux poissons, comme le turbot ou la barbue, se marient parfaitement bien à la bière.

LE COUPLE PARFAIT

Les accords bière suivent les mêmes règles que celles du vin. « Blanc sur rouge, rien ne bouge. Rouge sur blanc, tout fout le camp ». En d’autres mots, un poisson blanc demande une bière blonde. Cette pratique française nous semble bien trop restrictive. L’accord poisson bière ne pourrait avoir qu’un seul objectif, se faire plaisir. Comment se fait-il dès lors que tant de professionnels portent toujours des œillères et se cramponnent à ces dogmes ? Tradition, ignorance, pression du client ?

Pour trouver l’accord parfait, osons sortir des sentiers battus et expérimentons. Cette démarche nous permettra de comprendre l’interaction possible entre le poisson et la bière. Voici quelques conseils qui vont élargir votre horizon et titiller vos papilles.

  • Carpaccio de poisson : un carpaccio de saumon se marie extrêmement bien avec une bière brune flamande. La bière un peu surette s’harmonise avec le goût du citron, alors que la touche sucrée du malt interagit parfaitement avec le poisson. Pour un carpaccio de poisson blanc, comme le cabillaud, nous optons pour une bière blanche à la fois onctueuse et légèrement acide.
  • Terrines de poisson : la texture onctueuse et crémée d’une terrine demande une triple corsée. La puissance de la triple est en parfait équilibre avec celle de la terrine. La carbonatation de la bière et les notes amères neutralisent le “gras” du plat. De par ces notes acides, une vieille gueuze fera aussi parfaitement l’affaire.
  • Poisson fumé : le hareng et le maquereau fumés sont des poissons gras, forts en goût. Une bière allemande fumée de Bamberg est le choix idéal. Si nous optons pour une bière bien de chez nous, une bière Special Belge convient. Les malts neutralisent le goût du poisson, alors que la touche de caramel se lie au poisoon.
  • Huîtres : nous vous invitons à relire l’article dans Bière Grand Cru numéro 2.
  • Crevettes grises : une seule option, la ‘Rodenbach’. Le goût à la fois sucré et salin de la crevette est un don du ciel pour cette bière aigre-douce. Plus belge que ça, tu meurs. De génération en génération, on décortique ses crevettes en dégustant une ‘Rodenbach’. Un accord traditionnel mais si sexy.
  • Le Fish & Chips : choisissez une bière puissante type IPA qui fait parfaitement l’affaire avec une friture de poisson, mais attention à la texture du poisson.
  • Poisson, sauce à la crème : pas d’hésitation possible, vous servez soit une triple puissante ou une bière blonde forte. Si le poisson est un peu gras, choisissez une triple bien charpentée. Si le poisson à une texture un peu sèche, la bière blonde forte, pétillante et sèche est le bon choix.
  • Poisson grillé : un poisson grillé exige une bière brune et forte. Les notes brûlées s’harmonisent parfaitement avec le goût du poisson grillé. Faites cependant attention que le goût de l’un ne domine pas celui de l’autre.
  • Moules : les moules marinières et une blanche, qui peut rêver mieux ? Très simple mais délicieux. Le goût de la bière, un mélange de douceur et d’amertume se marie parfaitement avec le coté iodé des moules.

En fait, on peut faire des combinaisons à l’infini. Laissons la mer se déchaîner et déferler sur les brise-lames… À nous de déguster un beau plat de poisson avec une bière, bien sûr.

> Poisson de la Mer du Nord & bière à l’AB

> Poissonnerie Mer du Nord au coeur de Bruxelles

Photos: Bart Van der Perre

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