Le monde de la bière artisanale n’étant pas le dernier pour abuser d’acronymes en tout genre, SMaSH signifie Single Malt and Single Hop, autrement dit, ce sont des bières brassées avec un seul type de malt et un seul type de houblon.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en général une bière est brassée selon une recette mise au point par le brasseur, laquelle inclut souvent plusieurs types d’ingrédients. Par exemple, en termes de malt, on distingue d’une part les malts « de base » et d’autre part les malts dits « spéciaux ». Les premiers apportent les sucres fermentescibles, les seconds sont choisis par le brasseur pour apporter les « finitions » à la bière, comme sa couleur ou ses arômes torréfiés.
Pour ce qui est du houblon, même logique. Il existe des houblons qu’on ajoute à la recette pour leur pouvoir amérisant, et d’autres qui vont apporter des arômes de citron, de fruits exotiques, de fraise ou encore de noix de coco.
Il faut voir ça un peu comme la construction d’une maison : on construit d’abord les fondations, le sol, la charpente et les murs ; ensuite, on décore avec un canapé confortable, de jolies appliques, des meubles aux essences exotiques.
Les SMaSH viennent bousculer cette façon classique de faire la bière et s’imposent une consigne : utiliser un seul type d’ingrédient par catégorie pour tout faire, le gros œuvre et la déco.
Quelle est l’origine des SMaSH ?
Cette contrainte n’en était pas vraiment une à l’origine. Les SMaSH Beers apparaissent vers la fin des années 2000 dans le milieu anglophone des homebrewers, désireux de se lancer dans des recettes plus simples et pédagogiques. L’idée était de traiter les ingrédients individuellement, de les employer de façon consciente pour analyser tous leurs aspects et comprendre comment mieux les appréhender. L’objectif d’origine était donc surtout éducatif : contraster avec la tendance des débutants à multiplier les malts et les houblons, en simplifiant radicalement pour mieux comprendre l’impact de chaque ingrédient.
Less is more
Mais comment ces bières se retrouvent-elles dans l’offre de brasseries professionnelles, qui n’ont plus grand-chose d’un homebrewer ? Les brasseries craft se sont emparées de cette tendance du « Less Is More », un retour aux fondamentaux qui a conquis une clientèle en quête de saveurs brutes et authentiques, mais aussi un public plus large. Car, inévitablement, les SMaSH Beers ont une palette aromatique moins complexe, plus lisible mais qui n’enlève rien à une exécution impeccable.
D’ailleurs, l’une des bières pils les plus iconiques correspond tout à fait à la définition d’une SMaSH : la Pilsner Urquell (République tchèque), brassée uniquement avec du malt Pilsner de Bohême et du houblon Saaz.
SMaSH n’est cependant pas un style de bière, mais une recette qui peut s’appliquer à plusieurs styles.
Peut-on brasser des SMaSH de tous les styles ?
La réponse est : potentiellement, oui. Mais techniquement, cela peut s’avérer difficile selon les styles. Les lagers (Pilsner, Helles…) mais aussi les Pale Ales, Tripels ou Doubles peuvent être brassées avec un seul malt et un seul houblon. En revanche, pour des styles comme les Imperial Stouts, il faut impérativement utiliser deux types de malts : un pour obtenir les sucres nécessaires à la fermentation, et un autre, spécial, pour la couleur brune et les arômes torréfiés.
Qu’est-ce que cela apporte côté dégustation ?
Pour le consommateur, les bières SMaSH offrent une lecture gustative claire et limpide. On perçoit distinctement les marqueurs aromatiques du houblon et du malt utilisés. Ce sont aussi des bières parfaites pour s’entraîner à la dégustation sans être dérouté par la superposition d’arômes ou de saveurs dont on ne sait pas toujours d’où elles viennent.
C’est un peu comme une dégustation monocépage d’un vin, où l’on découvre les interprétations de différents vignerons autour d’une même variété. Chacun y apporte sa patte, que ce soit au moment de la vinification ou de l’affinage, et on peut comparer les nuances apportées à la même matière première.
Précurseur dans ce domaine, la brasserie new-yorkaise KCBC (Kings County Brewers Collective) a poussé le concept avec sa série Robot Fish IPA, composée d’une vingtaine de variations SMaSH. Chacune met en valeur un houblon différent (Citra, Simcoe, Galaxy, Motueka…).
Au-delà de l’exercice de style
Les bières SMaSH peuvent aussi se distinguer comme de très belles réalisations, au-delà de leur intérêt pédagogique, et pour tenter l’expérience on peut vous conseiller en Belgique :
- la série SMaSH de la Brasserie {C} à Liège, qui inclut une Pils, une Fruit Ale et une Pale Ale.
- la Brasserie des Trévires, qui brasse une bière blonde à 4,5 % en canette, avec un malt d’orge unique et un seul houblon.

Alors voilà, la prochaine fois que vous croiserez une canette labelisée SMaSH, n’hésitez donc plus. C’est l’occasion que l’univers vous envoie pour en apprendre plus sur un houblon ou un malt bien spécifique, de quoi épater vos amis lors du prochain bottle share !