Cin cin, Prost, Na zdrowie ! Pourquoi trinque-t-on ? En Italie, embrasser la pointe de ses doigts réunis devant la bouche signifie « je me régale ». En Afrique, la main en coupe près des lèvres souffle à son voisin « viens, j’ai un secret ». En Amérique latine, le signe des cornes chasserait le mauvais œil. Autant de gestes que de cultures qui pourraient être hermétiques aux non natifs… et pourtant il en existe un un qui réunit quasiment tout le monde : lever son verre.
Un rituel quasi universel… mais d’où vient-il ?
Le geste de lever sa coupe pour honorer une personne, une divinité ou un événement remonte à l’Antiquité. Chez les Grecs, on versait des libations en offrande ; chez les Romains, on buvait « à la santé » de quelqu’un, « Tibi prōpīnō« , « je bois à ta santé » en latin.
Et « porter un toast », alors ? L’expression viendrait d’une habitude du XVIᵉ siècle : on plongeait un morceau de pain grillé (toast) dans le vin pour en adoucir l’acidité. Lever son verre revenait littéralement à « porter » ce toast.
Trinquer, une histoire de sens
Certaines théories évoquent que le fait que trinquer, soit en réalité la mise à contribution de tous les sens en même temps. On voit la robe, on sent les arômes, on touche le verre, on goûte… et le tchin ajoute l’ouïe. Tous ces petits rituels marquent le moment et disent en filigrane : « je suis ici, avec toi, je te vois et je t’entends ». Plus superstitieux, le Moyen Âge prêtait au bruit des chopes le pouvoir de faire fuir les mauvais esprits. Autre explication, plus terre à terre : à une époque où l’empoisonnement était une crainte réelle, cogner les verres (ou échanger une goutte de boisson) revenait à déclarer : « je n’ai rien à cacher ». Un symbole de loyauté devenu réflexe social.
L’étiquette du « bien trinquer » : un patchwork de coutumes
Au-delà du tintement, on se rend compte que le rituel de trinquer s’est chargé de coutumes venues des 4 coins du monde, qui ont enrichi la pratique avec des couches de gestes et d’intentions que nous portons aujourd’hui de façon inconsciente mais qui sont en réalité, chargés en signification. Voici un petit florilège pour mourir un peu moins bêtes :
Ne pas croiser (les bras/les verres)
Dans les pays germanophones, on évite de croiser les bras quand on fait tinter les verres ; on garde un contact visuel avec chaque personne, sinon « ça porte malheur ». C’est un marqueur de respect et de sincérité. Plus pratiquement, cela évite le chaos de bras et verres qui se croisent et qui pourraient se renverser.
Vider son verre
Signe de respect et d’engagement : dans le continent asiatique et en Chine tout particulièrement, le toast gān bēi signifie littéralement « verre sec », on boit jusqu’au bout pour marquer l’honneur rendu. La pratique s’est étendue à des contextes d’affaires et de célébration. (Ailleurs, le geste est moins impératif : l’intention prime, mais il n’est pas obligatoire de boire son verre cul sec).
Ne pas trinquer avec un verre vide (ou à l’eau)
Un verre vide signale qu’on ne participe pas réellement au vœu partagé (manque de respect perçu dans de nombreuses cultures). En particulier dans la tradition navale (U.S. Navy) porter un toast à l’eau est de mauvais augure car on « souhaite une tombe aqueuse ». Tabou encore relayé aujourd’hui.
Alors voilà, trinquer est en quelque sorte un langage universel. Un ensemble de gestes et de pratiques sans mots qui dit « on ne parle pas la même langue mais on se fait confiance ». Alors..santé !