Bière Grand Cru est parti à la rencontre de professionnels de la bière influents sur quatre grands marchés asiatiques : la Chine, Taiwan, Hong Kong et Singapour. Ces échanges nous donnent une indication de la perception des consommateurs asiatiques vis-à-vis des bières belges. Ils ont également mis en lumière les atouts et les faiblesses de nos bières sur ces marchés phares.
De la Chine à Hong-Kong, Singapour ou Taiwan, la bière belge jouit indubitablement d’une excellente réputation auprès des professionnels et des consommateurs avertis. Référence, qualité et tradition sont les premiers qualificatifs qui nous reviennent. Mais les bières belges sont aussi globalement perçues comme des bières fortes et relativement chères. Ces deux éléments sont étroitement liés par le fait des accises et autres droits de douanes très importants dans ces pays. À Singapour par exemple, les tarifs sont de 76$/litre d’alcool, ce qui correspond à 46€/litre !
« Les marques du groupe InBev (Stella Artois, Hoegaarden et Leffe) sont omniprésentes sur ces marchés, mais Lindemans, Kwak, Chimay, Duvel et même Rochefort jouissent d’une visibilité et d’une présence non négligeables. »
« Par ailleurs, » comme nous le confirme Jeff Boda, revendeur de bières à Hong Kong, « le travail de promotion des brasseurs belges fourni depuis quelques années a permis de changer quelque peu la perception des consommateurs locaux. Ceux-ci découvrent maintenant que toutes les bières du monde ne sont pas forcément des « lagers » et qu’il existe une énorme diversité de goûts et de sensations. En 2013, le volume de bières belges importé en Chine représentait 7.5 millions de litres, soit à peine 4.1% de la production totale importée et les chiffres sont proportionnels pour Singapour, Taiwan et Hong Kong. Les marques du groupe InBev (Stella Artois, Hoegaarden et Leffe) sont omniprésentes sur ces marchés mais Lindemans, Kwak, Chimay, Duvel et même Rochefort jouissent d’une visibilité et d’une présence non négligeables. Depuis quelques années également les bières fruitées de Floris s’imposent aussi sur Taiwan et Hong Kong. »
QUELS SONT LES PLUS GRANDS CONCURRENTS DES BIÈRES BELGES EN ASIE ?
Les réponses à cette question varient sensiblement entre les quatre régions. Pour la Chine, le concurrent numéro 1 est l’Allemagne qui s’assure près de 60% du marché d’importation. Ce résultat est le fruit d’une présence précoce sur le marché, mais aussi d’une éducation et d’une communication continue auprès des professionnels et des consommateurs chinois. « Si on réalise un micro trottoir en Chine, » nous confiait Michelle Wang, journaliste spécialisée, « une majorité de gens affirmera sans aucun doute que la meilleure bière provient d’Allemagne. »
Pour Singapour, la concurrence vient principalement des brasseurs américains qui se positionnent sur le même créneau que les bières belges. Mais on constate ici aussi une montée en puissance des brasseurs artisanaux provenant du Japon, de Nouvelle-Zélande et d’Australie.
Pour le carrefour international que constitue Hong Kong, les bières belges sont principalement en compétition avec les bières anglaises, américaines, australiennes, japonaises et allemandes. Depuis peu, les bières françaises tentent de pénétrer plus activement le marché et pourraient devenir à moyen terme un nouveau concurrent sérieux.
QUELLE STRATÉGIE ADOPTER POUR PROMOUVOIR LA BIÈRE BELGE EN ASIE ?
L’éducation reste un élément essentiel. Il faut expliquer aux consommateurs que la bière est un « luxe accessible ». Il faut insister sur le fait que la bière ne se limite pas à la « lager ». C’est un produit complexe d’une diversité de saveur très large et à ce niveau les bières belges font vraiment la différence.
« L’Allemagne a consacré des décennies pour influencer et éduquer le marché chinois. Ils n’ont pas hésité à consacrer des moyens, du temps et des hommes pour s’imposer sur ce marché. »
Il faut aussi avoir une histoire et un savoir-faire à raconter. Les bières belges ont cet atout et il faut en profiter. Des campagnes de communication sont donc à mener en collaboration avec les distributeurs locaux. « Une présence et un travail spécifique doivent également être faits en restauration, » souligne Corinne Chia de DrinkPartners à Singapour. « La diversité des bières belges doit s’imposer dans la gastronomie asiatique, qui elle aussi se distingue par une explosion d’odeurs et de saveurs. »
« Pour la Chine, » insiste Michelle Wang, « il faut fédérer les médias locaux, les importateurs et les bars pour faire la promotion de la culture brassicole belge dans sa globalité plutôt que de promouvoir individuellement une brasserie ou un distributeur. La chose la plus importante est de prendre conscience du potentiel du marché chinois et d’avoir la volonté de promouvoir globalement la culture de la bière belge en Chine. L’Allemagne a consacré des décennies pour influencer et éduquer le marché chinois. Ils n’ont pas hésité à consacrer des moyens, du temps et des hommes pour s’imposer sur ce marché. Sur le même modèle, l’Association des Brasseurs Américains a récemment confirmé sa présence en Chine en ouvrant un bureau de promotion des bières américaines. »
PRÉSENCE SUR LE WEB
L’éducation et la promotion des bières belges doit impérativement passer par la toile. Trop peu de brasseries belges disposent actuellement d’une information en chinois. C’est également un grand chantier qu’il faut sans doute mener en collaboration avec son distributeur local.
LE PACKAGING DES BIÈRES BELGES EST-IL ADAPTÉ AU MARCHÉ ?
Globalement le packaging semble assez bien adapté. Le but étant d’apporter une expérience et une authenticité belge, ce qui est réclamé par le consommateur. L’idée du verre dédié pour chaque bière est aussi appréciée même si en réalité elle est peu mise en pratique. Par contre, un distributeur de Singapour se plaignait de la qualité de l’étiquetage des bières belges. « Les étiquettes ne sont pas adaptées pour se maintenir dans l’eau froide ou glacée, ce qui est une pratique de service assez commune dans nos régions particulièrement chaudes. »
QUELLES SONT LES PLUS GRANDES CONTRAINTES OU DIFFICULTÉS POUR IMPORTER DES BIÈRES BELGES EN ASIE ?
Les distributeurs sont unanimes pour pointer du doigt les degrés alcooliques particulièrement élevés des bières belges. L’équation est simple : degrés élevés = droits liés à l’alcool élevés = prix de ventes au détail élevés = volume de vente plus bas.
« Il est utopique de croire que les bières belges ont une réputation suffisante pour se vendre « toutes seules » en Chine. »
On peut souligner également le manque de communication dédiée en chinois. « Il est utopique de croire que les bières belges ont une réputation suffisante pour se vendre « toutes seules » en Chine, » souligne Antoine Bolly de chez Vandergeeten Trade & Commerce. « De plus, il y a un énorme fossé entre la réalité du marché et les attentes des producteurs. Le marché chinois est énorme, mais le nombre de consommateurs potentiels susceptibles d’être intéressés par les bières belges reste relativement faible, » conclut-il.
QUELS CONSEILS PEUT-ON DONNER AUX BRASSEURS BELGES ?
Connaitre le marché et rechercher un partenaire local qui connait les habitudes et les attentes des consommateurs. Les choses fonctionnent totalement différemment en Belgique et en Chine et les brasseurs belges doivent garder cela en mémoire. De plus, il faut encore faire la distinction entre les différents marchés asiatiques : Singapour n’est pas Taiwan et même Hong Kong n’est pas vraiment la Chine en termes d’approche commerciale et marketing.
En termes d’image et de notoriété, il serait pertinent de réaliser une communication globale et cohérente sur la qualité et le savoir-faire des brasseurs belges. Dernière recommandation de la plupart de nos interlocuteurs: définissez correctement et raisonnablement vos attentes et avant tout soyez patients !
Photos: Ollo Swan