BIER OP WIJN

HET IS PLEZIER!*

Le vin, c’est bien connu, est la référence lorsqu’il s’agit d’évoquer les accords boissons et mets. Du moins depuis la révolution industrielle, avant c’était un rien plus minimaliste. Et c’est rien de le dire.

Mais, si le vin a acquis dès son origine un statut mystique, il n’en est pas de même pour la bière. Certes, il y a bien le zythos originel, mais il n’y a que très peu de rapport entre ce brouet et la bière, qui plus est, cela n’est pas vraiment un produit mystérieux. Ce manque de référence divine handicape un peu le rapport des hommes à la cervoise lorsqu’il s’agit de la mêler aux solides. C’est pas de bol, je sais. Mais faut-il pour autant ne pas le faire aujourd’hui ?

La bière à table, dans les grands restaurants, c’est le fantasme de l’industrie brassicole depuis quelques années, juste pour gagner du galon, une reconnaissance sociale. Le problème réside dans le folklore qui entoure cela. Soit nous sommes dans des restaurants à la Frida Oum Papa, où il est de bon ton de cuisiner à la bière, surtout des ballekes, des carbonnades et des machins étuvés du même tonneau. Soit on sert la bière dans des bocks dignes de Falstaff et de ses copains de la meilleure époque.

Pour que la bière sorte de ce ghetto où les hommes savent pourquoi mais rarement comment, il y a quelques clefs simples à appliquer. Primo, à mon sens, cessons de considérer la bière comme un ingrédient. Si on la cuisine, ce qui est du domaine du possible, on l’ajoute à cru à la fin et pas seulement dans des cuissons/marinades folklorico-passéistes. Si on la propose à table, jouons là au même niveau que le vin. Dans des verres à dégustation à vin, à des températures identiques plus ou moins aux vins et dans les mêmes volumes.

Et là, la bât blessera, la culture brassicole est construite, pour l’essentiel, autour des volumes, avant tout des volumes et surtout des volumes. De positionnement de niche il n’a presque jamais été question, du moins chez les principaux producteurs, jusqu’il y a peu. Certes, un vent de fraîcheur souffle depuis une décennie sur les cols des verres, les productions à façon ou non explosent, les saveurs, les textures, les robes turbides ou non se multiplient plus vite que les lapins au printemps, et c’est une bonne nouvelle, plus il y aura de produits nouveaux, originaux, géniaux ou pas, plus on aura de quoi en parler à bâtons rompus dès que l’on se rencontrera.

Il en va de même de la verrerie. Les verres à bière, un produit/un verre, font partie du marketing global brassicole, mais, très paradoxalement, dans l’immense majorité des cas ils ne servent à rien. Du moins en vue de la dégustation. Ils ne mettent pas les arômes en valeur, puisque leur buvant est toujours plus large que la base des globes.

« Le bonheur c’est facile quand on met du sien »

Jef Bodart

Certes, c’est une filiation du Calice, histoire de conférer à la bière un semblant de ce mysticisme qu’elle recherche désespérément. C’est un peu l’histoire des Trappistes et des bière d’Abbaye dont nous faisons tant de cas. Qu’en est il réellement d’un point de vue historique ? Quel était l’usage de ces boissons ? Un aliment pour les travailleurs, pour les pensionnaires, mais jamais un produit pour célébrer le culte. Ce n’est donc pas en se référant en permanence à un passé un peu brumeux que la bière gagnera le respect qui lui est dû.

Il faut que les brasseurs décident clairement d’une politique à deux vitesses, d’une part les restaurants et autres lieux de prescription, d’autre part une consommation quotidienne traditionnelle plus volumineuse. Ce deux axes ne sont pas antinomiques, loin s’en faut, ils sont au contraire complémentaires, mais ils demandent deux manières de penser différentes. Un peu comme opère le groupe Spadel sur le marché belge. Le produit est toujours le même, de l’eau, mais il est proposé de manière différente, positionné autrement suivant le niveau des établissements.

La bière est un vin comme les autres, cessons de nous poser des questions idiotes de sémantique ou de positionnement à propos de ses officiants. Le rôle du sommelier dans un restaurant est de s’occuper de tous les liquides, de l’eau au café en passant par le vin, la bière, les alcools et même les cigares. Le Zizitologue est un sommelier, et pas un sommelier bière, un sommelier tout court à part entière. D’aussi loin que je m’en souvienne, dans les concours de sommelerie, et pas qu’en Belgique, il y a toujours eu des questions à propos de la bière. C’est donc qu’il y a une formation commune.

Bref, le monde appartient à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt, mais aussi à ceux qui osent bousculer les idées reçues et la routine. Proposons les bières dans les menus vins compris, sortons la des estaminets enfumés ou des produits pseudo hype que l’on se doit de boire directement à la bouteille. Laissons lui vivre une vie au soleil, pas glacée, à bonne température, en combinaison avec des mets compréhensibles, pas des taches de sauce sur une assiette de miniatures dignes d’un train Marklin HO. Allez, santé !

*En flamand dans le texte

Photo: Bruno Dalimonte

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