La communauté de Rochefort refuse de porter le chapeau pour la suppression d’emplois qui menace l’entreprise Lhoist, spécialisée dans la production de chaux. Les deux camps sont impliqués dans une bataille juridique depuis plusieurs années, et si Lhoist n’a pas dit son dernier mot, un récent revers devant le tribunal civil de Marche-en-Famenne l’a contrainte, prétend-elle, à un petit réaménagement interne.
La société a annoncé le 12 septembre dernier une réorganisation de ses activités qui pourrait conduire à la perte de 117 emplois sur trois sites: 14 à Jemelle, 64 à Hermalle-sous-Huy et 39 à Marche-les-Dames. L’entreprise s’inquiète de l’approvisionnement en calcaire à moyen terme.
« La production de chaux de Lhoist en Belgique dépend de sa carrière de calcaire située à Rochefort. Les réserves autorisées s’épuisent et Lhoist souhaite approfondir son exploitation pour permettre la prolongation jusqu’en 2045 au moins”, avance la société. Toutefois, le tribunal de Marche-en-Famenne, s’il reconnaît que la société est propriétaire de l’eau sur son terrain, ajoute qu’elle ne peut détourner ni supprimer les eaux qui alimentent l’abbaye, en vertu d’une servitude établie en 1833. Le groupe a fait appel de la décision mais conscient que la procédure de recours demandera encore du temps, il choisit de réduire la voilure en pointant bien du doigt, au passage, l’abbaye de Rochefort.
Celle-ci ne se laisse pas démonter. Son combat, dit-elle, vise à « préserver la source de Tridaine qui est l’unique possibilité d’approvisionnement pour la ville de Rochefort et pour l’abbaye et sa brasserie. La préservation des ressources d’eau est un impératif écologique majeur compte tenu des défis actuels. »
UNE LIMITE BIEN DÉFINIE
« Depuis le début de l’activité de Lhoist sur cette carrière, dans les années 1950, l’entreprise sait qu’elle ne peut exploiter au-delà d’une certaine profondeur afin de préserver la source, et que cette limite résulte de droits constitués au 19e siècle. Lhoist n’a jamais envisagé de plan de reconversion pour respecter cette limite d’extraction qui existe sur le plan juridique. Au contraire, l’entreprise, depuis dix ans, multiplie les initiatives pour passer outre cette limite. »
L’abbaye déplore encore que Lhoist n’ait jamais proposé un plan de reconversion pour les emplois en prévision de la fin du permis d’exploitation de la carrière. « Depuis le début, l’abbaye a demandé que ce plan soit mis en place pour ne laisser aucun ouvrier de la carrière sans perspective d’avenir. »
Et curieusement, dans la répartition des emplois supprimés, le site de Jemelle, proche de l’abbaye, ne se débarrasse que de 14 collaborateurs contre 113 sur les deux autres emplacements.
Quelle que soit l’issue finale de ce conflit, les amateurs de bière espèrent que la qualité de la Tridaine, vitale pour le trio de Rochefort (6 – 8 – 10), ne soit pas altérée à l’avenir.