Berceau de la civilisation occidentale, la Grèce est au bord de la faillite et d’une sortie de la zone euro. De plus, le pays doit faire face au vieillissement de la population (elle est la 5e population la plus âgée du monde) et a un taux de chômage des jeunes plus qu’alarmant, tout ceci alors que le taux de natalité semble encore chuter.
Vu ce contexte, on pourrait croire que les Grecs, vivant avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, se morfondent calfeutrés à la maison. Mais, pour qui visiterait Athènes avec ce préjugé en tête, il n’en est heureusement rien. La ville est pleine de vie et l’atmosphère est chargée de « good vibes ». La fin de l’été est une saison splendide, cela se voit partout. Du matin au soir, les terrasses sont envahies de monde, les cabines de plage sont encore là, même hors de la ville et même si les Grecs trouvent l’eau trop fraîche pour se baigner. L’Acropole bénéficie d’une lumière magnifique et les locaux flânent, sereins sur les boulevards de la capitale.
Cela ne signifie pas pour autant que la population n’a pas peur de l’avenir ou qu’elle se permette de faire un pied de nez à l’Europe, confortablement installée, un verre à la main, dans cet univers méditerranéen paradisiaque… Aux terrasses des cafés, on parle souvent de « rixi », un mot grec qui signifie « affrontement », « séparation », « rupture » (avec l’Europe). Et cette peur du lendemain est parfois clairement perceptible. Mais les Grecs ont ce talent, quoi qu’il arrive, de continuer à vivre et aussi de profiter le plus possible, c’est même presque devenu un mot d’ordre ici. Boire un café avec des amis est bien la dernière chose pour laquelle on se serre la ceinture ici.
BIÈRE À LA GRECQUE
Mais les entrepreneurs grecs ne sont pas restés inactifs et le pays est le siège de la révolution des bières artisanales (craftbeers). Pour quiconque suit le marché brassicole, le terme « craft » est familier et synonyme de la nouvelle tendance des brasseries et des bières qui proviennent essentiellement des États-Unis et du Royaume Uni. Cette mode se développe également en Grèce. Une visite au festival brassicole Zythognosia, organisée par Constantine Stergides, plonge immédiatement le visiteur dans cette nouvelle culture de la bière. Les brasseurs artisanaux grecs ne jurent que par leurs bières. Parfois excentriques, un peu nombrilistes même et tellement enthousiastes, mais ceux-ci ont tous en commun cet amour inconditionnel de la bière.
La qualité moyenne des bières artisanales grecques est d’ailleurs étonnamment élevée. Située à Tinos sur l’île des Cyclades, la micro-brasserie Nissos sort vraiment du lot et produit une pils extra avec une belle personnalité. Son propriétaire, Alexandros Kouris, lève un coin du voile : « Un assemblage très fin de malts sélectionnés et un temps de fermentation extrêmement long donnent ce petit plus qui fait toute la différence. » D’autres comme Crazy Donkey, Volkan ou Septem produisent également d’excellentes bières.
Une mention spéciale aussi à SIRIS (VOREIA), dont la micro-brasserie est située à Serres au cœur des montagnes macédoniennes, non loin de la frontière bulgare, une région qui est aussi la région natale d’Alexandre le Grand. La visite de la brasserie est une vraie aventure : après un vol intérieur, vous faites un trajet en voiture digne de James Bond et traversez des paysages extraordinaires. À destination, Giannis Marmarellis, un ancien champion de ski, vous accueille. Il a établi sa brasserie dans son village natal, avec les meilleurs équipements. Les procédures de qualité et de brassage, mais aussi du traitement de l’eau, sont franchement impressionnantes. Ce n’est donc pas un hasard si VOREIA propose des bières haut de gamme dignes de ce nom. Lors de la dernière édition du Brussels Beer Challenge, l’avant-gardiste VOREIA a d’ailleurs décroché une médaille bronze. C’est une bière sublime, sombre comme la nuit, avec des arômes et un goût de chocolat et de malt torréfié. Un type de bière que l’on n’associe pas automatiquement à la Grèce et qui constitue aujourd’hui l’une des richesses de la scène brassicole.
Naturellement, tout n’est pas uniquement rose en Grèce. La crise financière ne facilite pas l’approvisionnement des matières premières de qualité en provenance des marchés étrangers. L’État grec prend souvent les brasseurs pour des vaches à lait et pour un oui ou pour un non leur applique de nouvelles taxes. Néanmoins, les bières artisanales grecques sont en plein essor et la fin de leur développement n’est pas pour demain. Lors de vos prochaines vacances en Grèce, délaissez un peu les Retsina et autres Ouzo et confrontez vos sens aux vertus de l’orge grecque.