Dans l’article d’aujourd’hui, nous allons tenter de comprendre d’où vient l’amertume et si nous sommes tous égaux face à cette saveur. Présente en nature, elle avait autrefois le but de donner l’alerte dans le cerveau de nos ancêtres : « attention intoxication ! »
Alors que dans le vin l’amertume est quasiment toujours reconnue comme un défaut, il s’agit d’une caractéristique organoleptique essentielle de la bière.
Mais d’où vient-elle ?
Le houblon (Humulus lupulus) l’ingrédient que Hildegarde de Bingen a pour la première fois associé à la production de bière pour ses propriétés conservatrices, est responsable de l’amertume de la bière.
Les inflorescences femelles de la plante, utilisées pour le brassage, contiennent différents composants parmi lesquels les acides alpha sont les responsables de l’amertume dans notre boisson préférée. Quelques exemples pour briller lors de votre prochain dîner sont le humulone, cohumulone et le adhumulone.
D’autres composants sont en revanche responsables du côté aromatique (ces notes de fruits exotiques que vous trouvez dans votre NEIPA !), ce sont les huiles essentielles comme le Myrcène, le Humulène ou encore le Caryophyllène).
Alors, sommes-nous tous égaux face à cette saveur ?
Vous êtes au bar avec votre groupe de potes pour goûter la dernière double IPA de votre brasserie préférée et vous ne pouvez pas vous empêcher de faire la grimace alors que votre voisin trouve l’amertume de son demi « toute en finesse ». Et pourtant, vous buvez la même bière ! La science nous dit que si vous êtes une femme de moins de 25 ans, ce scénario a plus de chance d’être crédible.
On a longtemps cru que l’amer était ressenti par tout individu avec la même intensité et que la zone dédiée à la détection de cette saveur était la partie postérieure de la langue, près de sa conjonction avec la gorge.
Or, les récentes études qui se sont intéressées à la question, ont mis en exergue une mauvaise interprétation des travaux de Tichener (la fameuse mappe des saveurs perçus par la langue). En dépit d’une segmentation précise, on a découvert que langue serait apte à capter toutes les saveurs sur l’entièreté de sa surface, grâce aux papilles gustatives qui seraient uniformément réparties, contrairement à ce que l’on croyait.
Ce qui change, c’est leur nombre !
Ce que la science nous dit aussi, c’est que nous ne sommes pas égaux face au nombre et à la spécificité des papilles présentes sur notre organe de dégustation et ce serait surtout une affaire de génétique.
Dans une étude italienne menée sur plus de 3000 volontaires, on découvre que le nombre de récepteurs présents sur la langue varie d’un individu à un autre de 1-2 jusqu’à 100 par cm².
En particulier, les femmes seraient pourvues d’un plus grand nombre de récepteurs détecteurs de l’amertume que les hommes, et que plus on vieilli, moins ces récepteurs sont performants. On peut donc dire que les femmes ont une perception plus importante de l’amertume et que celle-ci diminue avec l’âge.
Aussi, il existe ce qu’on a identifié comme des Super Taster. Ceux-ci sont dotés d’un nombre de récepteurs beaucoup plus important que les autres, ce qui se traduit par une sensibilité accrue à l’amertume. A contrario, il existe également des Non Taster qui sont tout simplement dépourvus de capteurs, et pour qui une NEIPA n’est rien d’autre qu’un jus de fruit.
IBU – Une échelle de mesure standard
L’amertume dans les bières est calculée sur base de l’indice IBU (International Bitterness Unit) qui mesure la concentration d’iso-α-acides dans la bière, en milligrammes par litre sur une échelle de 0 à 100.
En général, l’amertume devient perceptible dès 5 IBU et augmente jusqu’à 100, chiffre au-delà duquel nos capteurs saturent et ne ressentent plus aucune différence en intensité.
Voilà vous savez tout ! Nous ne sommes décidément pas égaux devant cette saveur ancestrale, et la prochaine fois que vous sirotez une IPA avec un ami, rappelez-vous : vous ne vivez peut-être pas la même expérience gustative. Il ou elle est peut-être un Super Taster… ou un Non Taster !