Le Forum des Brasseurs européens (Brewers of Europe Forum) vient de fermer ses portes à Anvers. De nombreux intervenants sont venus livrer leur vision sur l’avenir du secteur brassicole et sur ses défis. Les organisateurs avaient également convié des acteurs extraeuropéens à l’instar de Bob Pease, président de la Brewers Association, qui regroupe aux Etats-Unis, les brasseurs indépendants. Indépendants, mais pas nécessairement petits puisque le plafond de production est établi à 7 millions d’hectolitres. Reflet de l’activité brassicole outre-Atlantique, l’association compte de plus en plus de membres, 5.000 environ aujourd’hui. Son président avertit toutefois: les nouveaux venus vont devoir proposer de la bière exceptionnelle s’ils veulent se maintenir.
BGC: Le nombre de brasseurs ne cesse d’augmenter dans votre pays (de 3.860 en 2014 à 7.450 en 2018), jusqu’où cela peut-il aller et y a-t-il place pour tout le monde?
BP: Le taux de fermetures est certes en augmentation, passant de 195 à 213 faillites entre 2017 et 2018 (Plus important même: pour la première fois depuis une dizaine d’années, le nombre d’ouvertures a reculé entre 2017 et 2018 passant de 1.100 à 1.046 brasseries, NDLR). Mais nous pensons qu’il y a tout de même place pour tout le monde. Nous comptons 2.000 entités déjà membres mais qui n’ont pas encore officiellement inauguré leurs installations brassicoles. C’est possible d’encore se faire une place, mais pour cela, il faut que la bière soit irréprochable. Il faudra faire une bière de classe mondiale. Et nous sommes favorables à une telle logique car cela va permettre à l’ensemble de l’association d’améliorer la qualité générale de nos breuvages. Il y a 10.000 “wineries” aux Etats-Unis. Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir autant de brasseries?
BGC: A l’instar de la Fédération des Brasseurs belges, la Brewers Association doit défendre les intérêts de gros acteurs comme la Boston Beer Company (5 millions d’hectolitres l’an dernier) et d’autres beaucoup plus petits. N’est-ce pas difficile de parler d’une même voix?
BP: Dès les débuts de l’association en 2005, la question s’est posée de savoir qui nous devions représenter. Les discussions ont été difficiles. Mais il est finalement apparu que plus nous étions nombreux, plus nous aurions du poids comme interlocuteur. Se battre par exemple pour un meilleur régime fiscal profitera à chacun des acteurs. Par ailleurs, nous commençons aujourd’hui à accueillir un modèle commercial différent des deux présents depuis nos débuts (brewpubs et brasseries), ce sont les taprooms: leurs bières ne sont disponibles qu’en fûts et ils n’ont pas d’activité de restauration.
BGC: Quelle position adopte l’association vis-à-vis des brasseries artisanales comme Goose Island, Lagunitas…, rapidement considérées comme des brebis galeuses une fois qu’elles ont été rachetées par des multinationales de la bière?
BP: Nous en recensons 17 à ce jour. Personne n’est mis à la porte. Mais dans notre esprit, une fois repris, les brasseurs ne sont plus indépendants. Ils peuvent donc rester membre “associé”, mais n’ont plus de droit de vote. Nous n’avons pas de problème particulier à ce que l’un ou l’autre craft brewer soit repris par un grand groupe. Mais nous dénonçons par contre le fait de continuer à présenter les produits de ces brasseries acquises comme des bières locales et d’ainsi cacher aux yeux du consommateur qu’elles ne sont plus indépendantes et locales. Certes, une partie est encore brassée sur place, mais les recettes vont désormais dans les poches de ces grands groupes et plus dans la communauté locale. Leurs chiffres de ventes ne sont par ailleurs plus repris dans nos statistiques.
BGC: Parlons-en de ces statistiques. Comment se porte le marché de la bière “indépendante” aux Etats-Unis?
BP: En volume, nous revendiquons plus de 13% de parts de marché, soit le double d’il y a une dizaine d’années. En dollars, nous grimpons même à 24%.
BGC: Visez-vous un pourcentage particulier?
BP: Nous n’avons pas d’objectif chiffré. Mais je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas atteindre à l’échelle nationale une proportion de 20% en volume, déjà dépassée dans certains Etats comme l’Oregon ou le Colorado.
BGC: Merci pour cet entretien et bon séjour en Belgique
BP: Merci. J’ai voyagé un peu partout dans le monde avec l’association mais c’est une première en Belgique et j’adore ça. C’est un vrai plaisir pour moi. La bière fait partie de la vie quotidienne ici et le pays est vu par nos membres comme le sommet de la culture de la bière.
Crédits photo: Brewers Association