WALK ON THE WILD SIDE

Un matin d’automne, très tôt, à deux pas de Oignies-en-Thiérache, un village oublié dans les Ardennes namuroises, près de la frontière française. Eddy Buchet et ses amis sont prêts. Ce groupe de chasseurs a un profond respect pour la nature. Ils savent ce qu’ils font et pourquoi ils le font. Sous nos yeux va s’accomplir une magnifique scène de chasse durant laquelle chevreuils, biches et autres sangliers vont être tirés…

Eddy est chasseur, boucher-charcutier et agréé pour la découpe du gros gibier sauvage. Il chérit une seule passion : le « gibier des Ardennes ». Par gibier, on entend ici l’ensemble des mammifères et oiseaux sauvages que l’on chasse pour les manger ou en vendre la viande. Et pour Eddy, « chasser est l’une des plus anciennes manières d’obtenir de la nourriture ».

Dans une chasse au gros gibier, les « traqueurs » rabattent à grand bruit celui-ci vers une ligne de tireurs postés. En fin de journée, avant le repas traditionnel du soir, les animaux abattus seront alignés pour former le « tableau de chasse ». Tous les chasseurs se réunissent alors et rendent hommage au gibier tué. L’homme ne fait plus qu’un avec la nature d’une manière presque sacrée. Beaucoup de consommateurs aujourd’hui sont horrifiés à l’idée de tirer un bel animal… mais ils achètent pourtant sans trop de scrupules des paquets préemballés de gibiers provenant d’élevage industriel et tués en boucherie. Allez comprendre.

Bien sûr, le goût du gibier ne plaît pas à tout le monde. Certaines personnes trouvent le goût trop fort. Le vrai gibier frais a pourtant une saveur raffinée, souvent corsée, qui varie en fonction de l’âge, du territoire et de l’alimentation de l’animal. Si la saveur sauvage domine majoritairement, on parle même de « goût noble ». Si aujourd’hui, on apprécie de plus en plus le goût naturel du gibier, autrefois, du temps de Brillat-Savarin, le gibier était exposé à l’air pendant plusieurs jours, voire des semaines. Ce procédé de « mortification » soumettait le gibier à un commencement de décomposition afin d’attendrir ses chairs et renforcer son goût faisandé. Pour couvrir ce goût prononcé, la viande était alors marinée. Aujourd’hui, ce n’est plus utilisé que pour certains morceaux plus difficiles ou pour certaines préparations spécifiques. D’après Eddy Buchet, l’art consiste plutôt à servir la viande la plus pure et le plus simplement possible. C’est de cette manière que la viande arrive sur la table des clients du Au Sanglier des Ardennes, le restaurant du père et du frère d’Eddy, à Durbuy.

> Rudy Buchet

BIÈRE ET GIBIER

La dégustation de bières est plus à la mode que jamais. Même dans un restaurant étoilé tel que le Château de Mylord, les préparations gastronomiques sont de plus en plus souvent associées avec les meilleures bières. Le gibier se marie lui aussi très bien avec la bière. Oui, mais lesquelles ?

La saison est souvent un bon indicateur pour déterminer les bières à accorder aux plats. Le temps chaud appelle spontanément des bières faciles à boire et des boissons désaltérantes. Celles-ci accompagneront également les plats servis durant les beaux jours de l’été, tels que des salades ou des plats légers. En automne et en hiver, nous délaissons les goûts frais et faisons place à l’artillerie lourde, comme les triples par exemple. Or, c’est justement à cette période que se déroule la période de chasse. Ne cherchez plus, vous avez la réponse à la question. Automne, gibier, triple : le mariage classique. Et ce n’est pas par hasard. À l’automne tombent les feuilles qui vont former sur le sol une couche d’humus que vous sentirez tout particulièrement dans les bois. Des saveurs similaires se retrouvent dans les plats à base de gibier (qui vit dans les bois) et dans les bières refermentées. Mais les doubles et les quadruples conviennent parfaitement aussi aux préparations de gibier. Les saveurs sucrées et les pourcentages parfois élevés d’alcool sont parfaitement capables de rivaliser aux arômes imposants et aux saveurs complexes du gibier.

Reste encore les bières vieillies en barrique. Très complexes, dont la fraîche acidité apporte une belle réponse à la richesse de la cuisine de gibier. Et avec des bières comme la ‘Rodenbach Grand Cru’, la ‘Bourgogne des Flandres’ ou la ‘Liefmans Goudenband’, pour ne citer que celles-là, on pourrait même établir un parallèle avec les accords des vins de bourgogne avec le gibier… Comme exception à la règle, on peut aussi choisir quelques bières fruitées. Que diriez-vous par exemple d’une vieille kriek avec une terrine de sanglier ou avec un magret de canard ? Voici quelques accords que j’apprécie particulièrement et qui ne manqueront pas de vous séduire.

Perdreau : Le perdreau (ou la perdrix) est un plat assez cher, car c’est un oiseau rare. Ce petit oiseau gris-bleu aime séjourner dans les buissons denses. Le goût de sa chair rosée à jaune-brun est subtil et assez sec. Le larder n’est pas un luxe. Tant une triple corsée qu’une bière totalement blonde conviennent parfaitement ici.

Faisan : Le faisan préfère vivre au sol, même s’il vole très bien, et vit le plus souvent à l’état sauvage, mais il est cependant rare. On trouve dès lors de nombreux spécimens d’élevage sur le marché. Les jeunes faisans sont un véritable délice, les plus âgés terminent le plus souvent dans les potages. La fine saveur aromatique des faisans sauvages s’accorde parfaitement avec des bières blondes, épicées et fruitées, ou avec des triples. Vous voulez surprendre vos invités ? Servez votre faisan rôti avec de la choucroute et une Saison.

Sanglier : Le sanglier est un ancêtre du cochon. Sa chair est plus ferme et plus maigre que celle de la viande de porc. Sangliers et jeunes marcassins peuplent nos sombres forêts d’Ardennes. Le marcassin est plus tendre et sa saveur moins prononcée que l’animal plus âgé. Sa viande est de couleur sombre et recouverte d’une mince couche de graisse. Le sanglier est mangé légèrement rosé. Il est délicieux avec des plantes aromatiques, comme le thym et le romarin, ou avec des saveurs sucrées, comme un confit d’oignons ou des pommes aux airelles. Les légumes tels que le céleri-rave, la chicorée, le chou rouge ou vert sont aussi des compagnons idéaux. De manière générale, les bières brunes puissantes et légèrement sucrées conviennent parfaitement avec le sanglier. Une bonne association est celle d’un ragoût de sanglier et des légumes d’hiver avec une ‘Rochefort 8’.

> Eddy Buchet

Cerf et biche : Le cerf, c’est le mâle, la biche, la femelle et le faon, le petit. Ce classique du gibier de chasse offre de beaux morceaux de viande : cuissot, filets et steaks. Les restes sont traités en ragoût. La viande de faon et de biche est plus délicate et plus fine que celle des cerfs. Voilà pourquoi vous choisirez dans ce cas une bière plus raffinée : une ‘Rodenbach Grand Cru’ ou une ‘Liefmans Goudenband’ sont toutes deux un excellent choix. Pour la viande plus corsée du cerf, optez plutôt pour une bière brune et puissante.

Chevreuil : Le chevreuil est un petit animal élancé qui appartient à la famille des cerfs. Sa viande a une saveur plus fine et moins prononcée que les animaux sauvages. Il est mangé rouge à rosé. Les légumes d’hiver comme les navets, carottes, céleris-raves, choux verts et choux de Bruxelles s’accordent parfaitement avec cette viande délicate. Une bière triple joliment fruitée complètera le tableau.

Charcuterie : La terrine de gibier est un incontournable des tables d’automne. Un pâté de sanglier onctueux avec une salade de chicons formera un couple idéal avec un ‘Orval’. La touche amère et acide de la bière nettoie la bouche, et l’amertume du houblon rejoint celle du chicon. Une vieille kriek convient très bien aussi. Et pour un filet fumé de sanglier, choisissez une belle blonde, type ‘Brugse Zot’ ou ‘Goliath blonde’.

Bière et gibier font des mariages splendides. À côté des classiques, de nouvelles combinaisons font leur apparition. Au cours de la dernière décennie, l’offre brassicole a connu une croissance énorme. De nouvelles brasseries ouvrent leurs portes, des valeurs établies se remettent en question, même l’étranger apporte son grain de sel. La cuisine connaît elle aussi une grande évolution avec plus de liberté, des influences du monde et l’introduction de nouvelles techniques de cuisson. Ici aussi les grands classiques restent dans le coup et de nouveaux accords sont introduits. En résumé, il n’y a aucune excuse pour ne pas utiliser la bière avec la meilleure cuisine de gibier !

Photos: Bart Van der Perre

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